Page:Yver - Les Cervelines.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

meuble, aucun autre ne l’occupait dans sa chambre.

Elle sortit et traversa ce quartier du gros commerce briochin, voisin de l’Hôtel-Dieu, où les dimanches amoncellent tant de silence. Cours désertes où s’échafaudent les ballots de coton, magasins moroses où l’on voit s’étager, derrière les baies cadenassées, les rondeurs bises des pièces de cotonnade roulées. Maisons opulentes et tristes où rien ne vibre, volets clos et portes cochères rigides. Le boulevard s’offrait à elle… De son, pas un peu indolent, elle vint y cheminer jusqu’à la petite maison de briques, où elle sonna.

— Mademoiselle est ici ? demanda-t-elle à la jeune servante qui lui ouvrit.

Et comme on lui répondait que oui, elle entra délibérément, s’enfonça dans le couloir étroit et obscur à demi, et monta l’escalier seule, sachant qu’elle était chez elle dans ce petit logis discret et confortable de son amie.

— Marceline ! criait-elle, c’est moi.

Devant elle, la porte d’un salon s’ouvrit, et la Cerveline apparut, petite, habillée de toile blanche à la mode anglaise, le col empesé serré d’une cravate d’homme en soie noire, sa chevelure brune bien coiffée, fraîche, rieuse et jeune.

— Je me doutais, je me doutais, disait-elle, que l’ennui dominical vous amènerait aujourd’hui.

Ses yeux gris brillaient d’esprit, rien que quand elle prononçait « bonjour », le temps que Jeanne Bœrk serrait dans ses grandes paumes campagnardes la fragilité de sa main maigriotte. Sa main était une petite chose d’ivoire blanc atta-