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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/77

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l’Histoire du Costume. L’espèce de petit homme qu’elle paraissait souvent triomphait et se dessinait dans ce sanctuaire froid de science. On l’imaginait assise à ce grand bureau de notaire, dont les tiroirs recélaient les cahiers de son écriture épaisse et noire, sa brune tête émergeant, jolie et méditative, du faux-col garçonnier fourré sous les rondeurs grasses du menton. Tout ce qui était encore en elle intimité, mystère, et femme, se refoulait, se remisait, comme accessoires encombrant, dans sa chambre. Mais encore était-ce un lieu fort peu connu ; toutes ses amies, et Jeanne Bœrk, la plus aimée de toutes, n’en avaient jamais ouvert la porte. C’était la chapelle secrète ; et ce fort esprit sentait s’offenser en soi une pudeur imprécise à laisser voir à d’autres femmes le portrait de sa mère autour duquel elle mettait des fleurs, et l’oreiller de son lit où elle s’enfonçait quelquefois le soir pour cacher ses larmes d’isolée.

Pendant que l’étudiante étendait sur le fauteuil sa lassitude, toujours empressée, la vive Marceline choisit sur la table un étui de laque et l’offrit à son amie. Dégantés, les doigts forts, au toucher délicat et adroit, fourragèrent dans la botte, puis les deux amies grattèrent ensemble leur allumette, tandis que leurs lèvres graves de savantes happaient du même geste friand la cigarette, dont toutes deux raffolaient.

Elles fumèrent d’abord sans rien se dire, ayant si rarement, dans leur vie laborieuse, le loisir de ces moments de bien-être, de ces minutes oisives, où elles pouvaient ne pas penser. Mais dès que les premiers parfums de fumée eurent