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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/78

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touché son cerveau, Jeanne Bœrk, ressaisie d’activité, demanda :

— Qu’avez-vous donc fait aujourd’hui, ma chère ?

— Ce matin, reprit mademoiselle Rhonans adossée à la cheminée et tenant aux doigts sa cigarette d’où montait tout droit : un ruban de fumée bleue qui l’enveloppait ensuite de ses vaporeux serpentins, ce matin, la messe à la cathédrale. Ah ! vous allez à la messe ? vous ?… je ne savais pas.

— J’y retourne, fit Marceline avec son sourire enfantin qui lui donnait dix-huit ans.

— Ah ! vous allez à la messe ? vous ?… répétait l’étudiante, cela m’étonne.

Toutes deux humèrent encore le parfum de quelques bouffées, silencieuses, puis mademoiselle Rhonans se remit à dire :

— Je n’ai pas toujours été religieuse, mais je let redeviens ; en somme, je sens très puissamment que là réside la vérité.

— Oh ! riposta Jeanne Bœrk, les jambes croisées, la cape glissée de ses épaules dégageant son buste large, la vérité religieuse, c’est assommant ; ça ne se démontre jamais.

Elle aurait voulu découvrir Dieu à force de microscopes, comme une maladie, comme un microbe ; tant que grâce à des grossissements merveilleux entre deux atomes d’éther, elle n’aurait pas aperçu des parcelles de l’Invisible, l’Invisible était nul pour elle. Elle en riait. Belle et saine créature végétale, dont le genre d’études avait circonscrit la mentalité aux seules choses objectives, et qui s’en contentait.