Page:Yver - Les Cousins riches.djvu/17

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qui sortait en nappes des ouvreuses, des enfants le roulaient sur des chariots, à demi peigné déjà, et le déversaient dans les flancs noirs des cardes monstrueuses, la carde à chapeaux, comme ils disent. Cette carde était comme un animal mugissant qui le triturait, qui le digérait à l’aide de tous ses estomacs tournants, armés de peignes. Finalement, la digestion faite, la carde haletante le vomissait par la bouche en un flot blanc, un liquide neigeux aux molécules impalpables que des hélices tournaient et solidifiaient en une grosse mèche écrue. Alors, les métiers s’emparaient de cette mèche sans fin et la filaient sur leurs milliers de bobines. Tous les contes de fée des rouets d’autrefois s’évanouissaient devant la magie de ce coton vivant, se filant tout seul, s’enroulant de lui-même, si fin, si délié, sur de petits tubes de carton. Chaque métier était tendu de fils comme une lyre, et tout dansait vertigineusement sous le glissement formidable des courroies de transmission aériennes.

Devant chaque métier une bambrocheuse en caraco, en jupe courte, les cheveux poudrés d’un frimas de coton mousseux, allait et venait, l’œil vigilant, pour rattacher les