Page:Yver - Les Cousins riches.djvu/57

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elles crevaient par endroits et laissaient passer des houppettes ivoirines. Les doigts effilés de M. Martin d’Oyse en saisirent une, légère, et il se mit instinctivement à l’étirer entre le pouce et l’index, à la carder, jusqu’à ce que se fît sentir la résistance dernière, l’élément indissociable, la petite fibre courte et soyeuse,

— Voyez, monsieur, dit-il, avec l’accent du propriétaire qui fait admirer une pièce de musée ; voici du merveilleux coton d’Égypte. Remarquez cette fibre : elle a quarante-cinq millimètres. Aussi vous entendrez dire que notre fil est supérieur. N’en cherchez pas ailleurs la raison. J’ai voulu toujours le plus beau coton, le plus robuste.

Et, tout en parlant, il ne cessait de travailler entre ses doigts ce coton qu’il avait asservi, qui se rebellait aujourd’hui contre lui, se refusait à ses intérêts, mais qu’il aimait toujours comme un serviteur dont on ne peut se passer malgré ses écarts. Cette matière douce, fraîche et tendre au doigt qui savait en ressentir la mollesse, n’était pas pour M. Martin d’Oyse une substance inerte. Il la voyait évoluer sous la trituration des machines, sous le peigne, sous la carde,