Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/103

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tueux s’en allant au labour. À l’audience, dans la salle des Pas-Perdus, on l’aurait reconnu de loin entre cent à la carrure de ses épaules énormes, grossies des fronces de la robe, au pompon de sa toque garni d’épingles, que, par un geste instinctif, en feuilletant les pièces d’un dossier, il piquait là sans interrompre une plaidoirie ou la discussion d’une affaire. Une autre de ses manies était le grignotement perpétuel de friandises qu’il cachait dans une poche intérieure, de petits gâteaux secs, des fruits, même des dragées qu’il croquait en pleine audience, pendant que son fin visage de vieux portrait, aux yeux matois, aux beaux favoris blancs, se levait moqueusement vers l’adversaire.

Il aimait le Palais, qui l’abritait depuis quarante ans ; il aimait le droit, la procédure, les débats, jusqu’à se passionner pour une affaire de corsage, jusqu’à rire aux éclats d’une dispute à la barre entre deux adversaires. Il aimait surtout l’Ordre, ses jeunes stagiaires, prenant au sérieux son rôle de bâtonnier, les éduquant, les moralisant à la mode des grands anciens comme Paillet, comme Chaix d’Est-Ange, et ses discours d’ouverture de la Conférence était des morceaux que l’on gardait pieusement à la bibliothèque.

Dès huit heures du matin, il recevait dans son cabinet du rez-de-chaussée, place Malesherbes. C’était une vaste pièce meublée surtout de livres et de tapis : une bibliothèque la garnissait sur