Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/108

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corruption, l’effort démesuré de sa pauvreté, un atout dernier hasardé par cette malheureuse que la chicane ruinait, car elle perdait procès sur procès dans sa volonté entêtée de s’enrichir à la loterie formidable de la justice.

— Madame, reprit Fabrezan qui plia la lettre et la lui rendit, je vous répète qu’il n’est rien là-dedans qui puisse m’intéresser.

Et, un peu apitoyé cependant, car son cœur de sentimental s’émouvait à toutes les peines de femmes, il la reconduisit courtoisement, lui tendit la main, et ajouta dans un élan :

— Je vous promets néanmoins de voir maître Clémentin à propos de votre affaire…

Du salon d’attente arrivait un murmure de voix parfois étouffées, parfois s’échauffant jusqu’à l’éclat Entre plaideurs on se connaît souvent, et il est un éternel sujet de conversation : la critique des avocats. Tous les membres du barreau étaient là sur la sellette, défilaient l’un après l’autre, les dames se montrant les plus ardentes, quand Fabrezan fit appeler le client dont c’était le tour.

Une femme se présenta, encore jeune et timide, d’une grande distinction dans sa simple robe de drap noir, avec de longs yeux bleus caressants sous ses bandeaux de brune. L’usage des affaires et l’habitude des gens de loi manquaient totalement à celle-ci, car elle s’expliqua difficilement, et les sourcils blancs de Fabrezan se fronçaient en l’écoutant.