Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/133

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— Oh ! s’écrait-il, riant d’aise, et Blondel ?

— Non, non ! toi, mon chéri, toi seul !

Et elle enlaçait les fortes épaules du jeune homme, posait ses lèvres sur ce cher front dont elle louait si habilement l’intelligence, caressait de sa joue les cheveux drus et ras, mais ne lisait toujours pas la lettre.

Son sûr instinct lui conseillait de ne jamais partager les travaux de Vélines, de ne s’y pas occuper plus que ne l’eût fait une épouse ignorante du droit, soucieuse seulement de voir son mari satisfait. C’était un manège inconscient qui mettait ses propres travaux à l’abri des curiosités d’André Jamais elle ne lui avait communiqué les pièces de ses dossiers. À peine lui apprenait-elle de quelles causes nouvelles on la chargeait. Il avait souvent essayé de lui imposer ses avis, mais systématiquement elle s’était refusée à les suivre : elle se sentait un esprit trop différent du sien ; toute collaboration entre eux était impossible, elle y aurait perdu son individualité. André ne comprenait guère son mode de travail en quelque sorte impressionniste, qui la faisait s’exalter, s’hypnotiser sur une affaire, surexciter son cerveau tranquille, le griser, le chauffer, au point qu’elle élaborait sa défense dans un état tout particulier de transe, de frémissement cérébral, d’emportement nerveux. Mais elle était trop avisée pour ne pas sentir la faiblesse d’un tel procédé aussi se hâtait-elle d’étayer cette fan-