Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/137

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les instructions absorbaient la jeune femme et elle quittait ensuite le Palais seule, sautait dans un fiacre pour se faire conduire à la Petite Roquette ou à la prison de Saint-Lazare, avec la ferveur humanitaire de mademoiselle Angély dont l’enseignement l’exaltait toujours.

De cinq à sept, monsieur et madame Vélines tenaient leur consultation. Le grand salon d’attente était quelquefois très peuplé, mais la plupart des clients allaient à André. Henriette voyait souvent madame Marty, toujours fiévreuse à mesure qu’approchait l’heure du procès. L’élégante divorcée voisinait, d’aventure, sur les sièges Louis XIII du salon de la place Dauphine, avec les parents troublés, lamentables et déguenillés de quelque petit gredin qu’Henriette prétendait innocenter le lundi suivant, à la huitième correctionnelle.

Les jeunes époux se retrouvaient enfin et se délassaient au dîner qu’on faisait long, discret, d’une intimité délicieuse. Alors on oubliait un peu qu’on était avocats, et l’on parlait… d’autre chose. Là, Henriette dépouillée de sa défiance se livrait tout entière, abandonnait à son mari son charmant esprit, sans réticence, sans arrière-pensée. Elle était fine et spirituelle à l’excès. Elle amusait Vélines comme un petit oiseau exquis au chant duquel il eut pris plaisir. La soirée, ils la passaient chez des amis… Et c’était une vie bourgeoise si calme, si égale, si douce, qu’ils