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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/190

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Seulement, ce n’est pas un métier de femme…

Elle ne paraissait pas entendre ; elle ne voyait que le tribunal, les trois juges penchés sous la même lampe, celle du président, et chuchotant sans fin. Elle balbutiait, hallucinée :

— Si Suzanne ne garde pas son fils, c’est une honte.

Des murmures s’élevaient dans l’auditoire. L’attente du jugement angoissait tout le monde. Chacun souhaitait que la petite avocate gagnât le procès. Une voix partit, on ne sait d’où, qui porta dans le silence :

— Ça serait une gifle pour le vieux !

La discussion des trois magistrats s’éternisait. Le bâtonnier, cueillant des épingles dans sa toque, attachait des pièces ensemble. Enfin il franchit d’un pas l’intervalle qui le séparait d’Henriette :

— Sacrebleu ! ma petite madame, je ne voudrais pas tous les jours des adversaires de votre trempe.

Elle le considéra ; son visage s’illumina. Cette phrase du vieux maître fut pour elle la première révélation de son succès.

— Vrai ? vrai ?… Je croyais que j’avais été piteuse !

— Nous autres, décréta Fabrezan redevenu grave, nous donnons notre talent, quand nous en avons un peu ; mais les femmes, en plaidant, se donnent elles-mêmes. Leur passion fait leur force.