Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/211

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venu. Qu’est-ce donc si cet enfant subit la pire misère, celle du vice ! Vous autres, vous avez tant de moyens d’exercer votre emprise sur ces petits malheureux : les séjours aux prisons, les entretiens au parquet, l’intimité que crée l’instruction entre le jeune coupable et l’avocat. Vous le possédez peu à peu. Le jour de son procès, devant le tribunal qui l’atterre, vous représentez pour lui une force presque divine, et je ne sais rien de plus poignant que l’appel muet lancé par les yeux angoissés du petit prévenu à celui qui va le défendre. On me dira que ces messieurs sont bien dévoués ; c’est vrai : beaucoup sont admirables parmi nos stagiaires. Mais ils n’ont pas le sens maternel, ils n’ont pas le pouvoir secret, ils n’ont pas le mystère… S’ils défendent une belle fille inculpée de vagabondage, le public pense mille choses vilaines, et nous n’ignorons pas comment à Saint-Lazare les détenues se montent la tête à propos des plus jolis garçons du barreau… Seulement, voilà, les femmes nous manquent. Chaque lundi, des vingtaines d’enfants défilent à la huitième chambre. Combien y a-t-il de femmes pour s’occuper d’eux ? Certains n’ont pas même de défenseur. Les bras manquent à la moisson !… Et encore il en est parmi vous qui désertent…

Madame Martinal, qui ne plaidait guère d’office, crut sentir un reproche et se défendit :

— Chère mademoiselle Angély, vous êtes une apôtre et vous nous voudriez toutes taillées à la