Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/215

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jour, de midi à quatre heures d’une audience à une autre, sans saisir, avec leur subtilité de Parisiennes railleuses, les moindres ridicules du monde judiciaire, et, ravies d’en savoir plus long que leur aînée, elles chargeaient ferme contre la magistrature. Comme elles l’expliquaient à leur confrère, il existait trois catégories de juges : ceux du passé, ceux du présent, ceux de l’avenir. Monsieur le président Erambourg, qu’elles qualifiaient de féroce, représentait l’ancien régime. Par lui, à la cour, les peines prononcées en première instance étaient infailliblement doublées.

— Oui, s’écriait avec une flamme dans les yeux Jeanne de Louvrol, qui avait à tout le moins de l’avocate cette aveugle et large indulgence pour tous les coupables, le vrai criminel c’est ce vilain bonhomme à visage de cire, confortablement assis dans son fauteuil, qui, ne voulant entendre ni plaidoirie ni débats, se contente d’appliquer méthodiquement son principe : surenchérir après le tribunal, saler, saler, saler !…

Et Marie Morvan raconta comment, la semaine passée, Maurice Servais, qui défendait en appel, devant Erambourg, un pauvre garçon condamné à quatre mois en première instance, avait vu l’emprisonnement porté à huit mois selon la coutume ; vainement il avait déployé un véritable talent pour démontrer qu’une détention de trois mois seulement, après cette faute unique, eût