Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/27

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la cour de cassation, leur ménageait des rendez-vous exquis ; le municipal de service à l’entrée, complice, détournait la tête ; ils allaient s’asseoir l’un près de l’autre sur une banquette, dans le cintre d’une ogive ; leur serviette ouverte sur leurs genoux, ils se communiquaient leurs dossiers, se lisaient des pièces, puis parfois, relevant la tête, se souriaient silencieusement. Elle comptait vingt ans ; lui, vingt-cinq. L’ingénuité de leur passion se mêlait étrangement à la gravité de leurs préoccupations professionnelles. Tous deux, avocats d’office, défendaient de jeunes criminels ; leurs cœurs, attendris par l’amour, s’attachaient à ces enfants coupables. Ils élaboraient ensemble, avec une illusion pareille, leurs généreux projets de régénération, de culture morale. Louise aimait jusqu’aux petits criminels de Maurice ; Maurice, jusqu’à ceux de Louise. Souvent, ils se cherchaient de chambre en chambre ; quand mademoiselle Pernette plaidait, Servais était près d’elle, au banc des avocats ; quand c’était au tour de Servais, Louise prenait place derrière lui, haletante.

Leur roman ne se cachait pas ! tout l’Ordre en savait la cristalline histoire. Fabrezan, le bâtonnier, trouvait délicieuse cette jeune fleur poussée dans son vieux Palais de Justice : il favorisait les amoureux. Maurice Servais, dans sa parole inexpérimentée et imparfaite, donnait des signes sûrs de maîtrise ; plus d’une fois Fabrezan lui avait