Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/26

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sons mangent les petits, où le fretin voit avec terreur la soudaine poussée des réputations, exprimaient plus de défiance que de galanterie à l’endroit de ces jeunes femmes à qui toute une clientèle féminine pouvait venir. Soudain, Louise Pernette rougit jusqu’aux frisons de ses cheveux de soie : Maurice Servais, le timide et grand garçon aux airs d’adolescent mûri trop vite, celui que les confrères allaient entendre quand il défendait des mineurs à la huitième chambre, et dont l’Ordre entier suivait avec tant d’intérêt le talent naissant, s’était approché. Ils se serrèrent la main :

— Bonjour.

— Bonjour.

Et ce fut tout. Mais la grande bouche tendre de Louise avait frémi, et, sous les fronces de la toge, sa mince taille fléchissait un peu. Mademoiselle Angély, en vieille fille sentimentale, paraissait troublée et tirait sur ses grosses hanches les basques de son corsage violet. Elle n’ignorait pas la touchante idylle judiciaire : Louise et Maurice s’adoraient ; c’était un amour enfantin, gracieux et mélancolique. Tous les deux étaient pauvres, ne pouvaient songer encore à fonder un foyer, et c’était pitié de les voir s’exténuer à travailler, implorer le succès, se désirer en vain. Cependant ils avaient des joies naïves et immenses : le Palais, où ils s’étaient connus, était la maison commune où ils se retrouvaient chaque jour ; la galerie de Saint-Louis, vestibule mystérieux de