Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/276

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d’une idylle surhumaine, comme il avait désiré cela ! « Je suis marié maintenant », se dit-il. L’image d’Henriette surgit à son esprit et il eut un petit serrement de cœur.

La nuit s’étendait sur la campagne. Il regarda l’heure ; dix minutes seulement le séparaient de l’arrivée. Une sensation de bien-être l’inonda. Il se sentait libéré, insoucieux de tout, en bonne forme pour cette plongée dans le passé qu’il allait faire. Soudain, la ligne côtoya de nouveau la Seine. Les eaux argentées du plus doux des fleuves miroitaient dans les prairies. On voyait la chaîne minuscule des montagnes riveraines se dresser sur l’autre bord. Là-bas, l’eau se piquait de points de feu ; des cordons de lumière y scintillaient en tous sens. C’était Rouen, avec ses quais, ses ponts et ses îles, laissant tomber à fleur d’onde les reflets de ses réverbères, un peu chichement, en belle ville de province, confortable mais économe.

Rouen ! Et aussitôt une sensibilité nouvelle s’éveilla dans le cour d’André. Il eut cet attendrissement égoïste, mêlé de noble mélancolie, que provoque la vue des lieux où s’écoula notre enfance. Quand le chemin de fer s’engagea sur le Pont aux Anglais, la cité s’éploya devant lui, toute noire, dormant comme au fond d’un lac de ténèbres dans la coupe large et creuse, ceinte de coteaux, où elle s’étale. Et André sourit de plaisir à la flèche de la cathédrale, cette aiguille de fonte