Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/312

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bien ! oui, au moment où ma situation se consolidait, où un peu de notoriété commençait à m’encourager, où je me tirais d’affaire avec mes trois gosses, votre étoile s’est levée, ma chère. On ne parle plus que de vous ; vous êtes l’avocate à la mode, l’avocate chic : on va chez vous comme on va chez la grande doctoresse, et j’ai pu suivre en même temps votre veine et ma disgrâce. Ma petite Vélines, si je vous disais que ça m’a fait plaisir, je mentirais. La gloire, je vous confesse que je m’en fiche ; mais les provisions… c’est si utile dans un ménage où règnent de beaux appétits ! Vous êtes une femme trop avertie pour me croire si je déclarais que je n’ai pas été du tout jalouse. Jalouse, oui, je l’ai été un peu, parce que, tout de même, vous n’aviez pas besoin de cela. Vous étiez heureuse, riche, sous la protection d’un homme qui vous adore, et ma pauvre clientèle, si péniblement acquise, vous veniez me l’ôter… Mais ce sentiment-là, je vous le jure, c’est bien fini : j’avais trop d’amitié pour vous ! Peut-on, d’ailleurs, conserver de la rancune envers une confrère de votre sorte ?… Seulement, il faut maintenant que vous me preniez pour secrétaire.

C’était la première ombre à la joie insouciante d’Henriette. Comment ! ce tourbillon brillant qui l’entraînait avait fait des victimes ? D’autres avaient pleuré pendant qu’elle se grisait légèrement à ces plaisirs vaniteux de célébrité adulée,