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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/413

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vaniteusement, dans sa dignité de petite femme émancipée. Une lampe unique éclairait la pièce. La glace lui renvoya son image : une Henriette au visage nacré, seule dans une chambre d’emprunt avec son enfant, et cela lui rappela une allégorie du veuvage qu’elle avait trouvée jadis d’une tristesse navrante. Non, elle ne représentait là rien de bien triomphal. Et, quand elle réfléchit qu’elle ne pourrait plus dire : « Ma maison… mon foyer », qu’elle ne faisait plus, avec cette enfant, qu’une famille tronquée, infirme, incomplète, anormale, arrêtée dans son développement, la beauté de son acte s’altéra singulièrement. Est-ce qu’il n’y aurait pas encore plus de bonheur là-bas, dans cette sorte d amitié courtoise qu’ils avaient inaugurée, Vélines et elle, depuis leur désaccord ? Elle y avait vu comme une mutuelle condescendance humiliante, un manque de sincérité, — ce qu’elle avait nommé « le bourgeois mensonge conjugal ». Mais, n’était-ce pas encore un pis-aller très raisonnable, et pouvait-on appeler mensonge cette convention tacite de deux êtres qui mangent à la même table, dorment sous le même toit, avec les mêmes rêves, les mêmes préoccupations, les mêmes intérêts, la même bourse, et le même enfant ! N’étaient-ils pas toujours deux amis indissolublement attachés et pour qui la société de l’un est encore à l’autre le meilleur agrément ? Elle était devenue lucide ; elle recouvrait le