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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/44

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sités. Vous venez d’entendre, avec la lecture sèche des témoignages, l’exposé des misères qui furent sa récompense. Mon adversaire, arguant de l’insuffisance des torts reprochés au mari, vous les a montrés ténus, tout psychologiques et comme imaginaires. Mais, messieurs…

Parfois les yeux d’Henriette s’attachaient avec impatience au petit monument doré de l’horloge. Les aiguilles, qu’on discernait à peine dans l’ombre, marquaient trois heures moins cinq… S’il n’allait pas venir avant qu’elle ait à se rendre au petit parquet !… Et s’analysant, elle se disait : « Comme j’ai la fièvre !… »

Cette jeune fille, docteur en droit, n’était pas de ces douces vierges aveugles, pour qui la vie n’est qu’une belle légende. Elle en savait les laideurs. Mais elle les avait entrevues au travers du Code. Issue de saine bourgeoisie française, elle avait conservé la fraîcheur des autres filles de sa classe. La minute vint où, escomptant les joies attendues des fiançailles amoureuses, elle pensa au premier baiser. Ce serait dans le grand salon sombre de ses parents ; avec une solennité désuète et charmante, un cérémonial très conforme à la tradition, il se promettaient l’un à l’autre. Vélines se pencherait, la baiserait au front. Et, dès cette pensée, Vélines fut autre pour elle. Elle l’envisagea moins froidement, avec un sentiment de tendresse plus violente, auquel son jeune sang vigoureux n’était pas étranger.