Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/446

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singulière ; son effort pour conserver son flegme était visible. Il essaya de sourire.

— Peste ! ma chère, tu as de la chance !

Il n’était bruit alors dans la presse que de l’empoisonnement du peintre. Chaque matin, les feuilles avides de tels faits divers répandaient sur Paris et la France, avec de nouveaux détails, les portraits des personnages du drame, jusqu’à ceux de leurs domestiques. Les imaginations étaient portées à cette surexcitation légère qui met superficiellement en communion tous les lecteurs d’un même journal. Vélines, de même que vingt ou trente de ses confrères, n’avait pas cru impossible que cette cause lui échut. Ce fut du moins la révélation qu’eut Henriette, à cette minute-là, en regardant son mari. À la déception inavouée s’ajoutait cette épine que la cause exceptionnelle, cette cause telle qu’un avocat n’en rencontee pas deux semblables dans sa carrière, c’était elle, l’épouse, la compagne inférieure, la rivale domestique, qui la plaiderait.

Elle allait dire l’extraordinaire impression ressentie près de cette mondaine qui, dans ce triste parloir, lui avait paru d’une royale distinction : elle se trouva si gênée par l’excès même de sa chance, qu’elle se tut. Même, avec le besoin de se diminuer un peu, elle ajouta, après un silence :

— C’est bien lourd pour moi ; je ne sais si…

Elle ne finit pas sa phrase. Elle savait trop bien, au contraire, que les difficultés, l’impor-