Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/46

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péroraison. Mais le sentiment équivoque qu’éprouvait d’ordinaire l’ambitieux Vélines, à voir un auditoire entier vibrer sous le charme d’un grand talent, s’abolissait en lui totalement, cette fois-ci. Henriette était trop proche. Des choses trop significatives avaient été dites tout à l’heure, salle des Pas-Perdus, qui équivalaient à un engagement. Était-il donc vrai qu’elle serait sa femme bientôt ? Et, à l’entendre respirer si près de lui, un besoin fou d’une certitude lui venait, le besoin d’acquérir un droit définitif sur cette jeune fille que depuis deux ans il se gardait en pensée, la surveillant sans cesse, surveillant ses regards, ses allures, tremblant qu’elle n’allât à quelque autre. Aujourd’hui, à la veille de leur réalisation possible, ses espérances devenaient fébriles. Sa longue patience était à bout, s’exaspérait. Il ne se contentait plus d’un heureux augure : ce qu’il lui fallait, c’était la franche entente avec Henriette ; il voulait, non plus espérer, mais savoir.

Et soudain, comme il constatait que des gens du peuple coudoyaient l’avocate, la dévisageaient avec cette curiosité qu’excite encore dans le public le vieil accoutrement judiciaire porté par une femme, il la poussa légèrement vers la première fenêtre. Comme tout le monde cherchait la vue du tribunal et se groupait au centre, les côtés se trouvaient dégagés. Henriette et Vélines furent là très à l’écart. Ils s’appuyèrent aux vitres.