Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/47

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— Cela ne vous gêne pas d’être seule ici, en proie à l’attention de la foule… à l’attention des confrères… sans autre soutien que vous-même ? demanda Vélines.

Elle répondit :

— Cela me gênait au commencement. Mais je suis une vieille stagiaire ; je m’y suis accoutumée. J’ai pris beaucoup d’aplomb.

Sa grâce un peu inquiète de vraie jeune fille démentait ce mot. Mais Henriette, malgré sa juvénilité, respirait la possession de soi, le développement moral d’une femme faite. Et André eut peur tout à coup, une peur inconsciente de cette volonté qu’il pressentait impérieuse, supérieure, capable de lui résister, de lui dérober le bonheur convoité. Alors son besoin de certitude devint angoissant. Il eut une voix étrange pour murmurer :

— Ne seriez-vous pas plus heureuse si, au lieu de rester dans cet isolement, avec cette singularité que vous crée au Palais le rôle si neuf encore d’avocate, vous sentiez auprès de vous l’appui d’un… d’une amitié toujours présente, la vigilance d’un… compagnon ?

Henriette découvrait avec ravissement, chez ce garçon flegmatique et réservé, cette région d’âme sentimentale, si imprévue, si jalousement cachée qui ne se dévoilait que pour elle.

— Je me suffisais à moi-même, reprit-elle, oppressée d’une émotion inconnue. J’ai toujours