Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/54

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garçon rasé comme un Romain contemplait silencieusement, les yeux humides.

— Comme vous serez aimée ! fit-il sourdement.

— Chut ! répliqua-t-elle avec malice ; voici le jugement. N’oubliez pas que nous sommes ici pour l’entendre !

Alors, au milieu de ce grave apparat de la Justice, à la minute même où, comblés d’espérance, les deux jeunes gens se vouaient l’un à l’autre, si certains d’eux-mêmes, si braves devant l’inconnu du mariage, si intrépides néophytes de l’amour, un vieil homme au fond du prétoire, laissait tomber la formule d’une rupture dramatique. Dans la langue surannée du Palais, d’un air las et détaché, il articulait, si bas qu’Henriette et André durent se rapprocher pour l’entendre :

Par ces motifs, le tribunal,

Oui les avocats en leurs plaidoiries, monsieur le procureur de la République en ses conclusions,

Prononce le divorce aux torts réciproques des époux d’Estangelles, avec toutes suites et effets de droit…

Henriette pensa que, dans cette minute, deux êtres lointains qui s’étaient aimés, unis, étreints. caressés, deux êtres qui avaient comme mêlé leurs cœurs, devenaient étrangers l’un à l’autre. Un lien se brisait. Il y eut presque un froid dans la salle.

Le président n’en finissait plus :