Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/76

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manière dont elle avait poussé son instruction. Il avait appris d’elle de bonne heure que, dans ses classes, comme dans la vie, l’homme qui ne veut pas tomber au dernier rang doit aspirer au premier. L’admirable grand’mère n’avait existé que pour l’avenir de son petit-fils. Elle faisait de grands rêves, le dirigeait vers la politique, et s’était montrée déçue en constatant qu’il serait seulement un petit avocat.

— Mais, vous n’êtes pas un petit avocat ! se récria Henriette.

Il sourit. Il parut content de cette répartie. En effet, il réussissait. Il travaillait dix heures par jour ses plaidoiries, interrogeait fréquemment ses clients, les sondait, les pressait, les retournait, les forçait, pour obtenir d’eux tous les éléments de clarté qu’ils étaient capables de lui fournir, au sujet de leur affaire ; et ceux-ci, en même temps lassés et flattés par tant d’insistance, concevaient pour lui une estime qui se propageait. On le disait éminemment consciencieux. Il avait d’ailleurs l’élocution belle, bien qu’on sentit, dans ses discours, l’effort laborieux, et il ne disait rien qui ne fût substantiel. Et pourtant, lorsque en arrivant au Palais il croisait dans la galerie de Harlay une assistance mondaine descendue toute vibrante encore de la salle des assises, après une plaidoirie de Ternisien, lorsqu’il entendait le nom de Ternisien voler de bouche en bouche, et qu’il voyait l’agitation des jolies Parisiennes transportées, une