Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/91

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semaines désormais, et, quand la préposée vint recevoir sa robe, l’aider à enfiler son veston, son pardessus, il eut, dans sa joie intérieure, comme un regret léger. C’était vraiment sous ce costume qu’il avait le sentiment de posséder le Palais. Et voici qu’en descendant le degré du vestiaire il se rappela sa prestation de serment, sa première robe, sa réception dans l’Ordre. C’était dix ans plus tôt ; il avait alors ambitionné la conquête du Temple. Où en était-il aujourd’hui sur le chemin de la gloire ? Il se faisait certes de jolis revenus. C’était tout. Ce quelque chose qui rayonnait de la massive noblesse d’un Fabrezan, de la délicatesse ivoirine d’un Blondel, de la distinction poétique d’un Ternisien, ce quelque chose d’indéfini que l’on sentait dans les couloirs ou dans la salle des Pas-Perdus quand apparaissait l’un des maîtres, Il ne le possédait pas. Il ne s’imposait pas encore aux juges, il ne dominait pas les tribunaux, il ne connaissait pas cette royauté singulière, privilège de quelques-uns. Et tout à coup, pendant que son pas résonnait sur les dalles désertes de la galerie Lamoignon, il éprouva, plus violent que jamais, cet appétit d’autorité qui lui donnait parfois le désir fou d’emplir de son nom ces vastes murs.

Trois heures allaient sonner. C’était, par tout le Palais, la fièvre des fins d’audience. À la correctionnelle, dans l’aile gauche, les prévenus défilaient devant les prétoires et l’on expédiait les jugements ; à droite, au tribunal civil, les sépa-