Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/110

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Déjà ils ouvraient la portière, descendaient. Après les effusions, Jenny déclara qu’ils souperaient quai Malaquais avant d’aller à l’hôtel. En effet, ils n’avaient pas encore d’appartement, et, comme l’expliqua Houchemagne dans la voiture qui les emportait chez les Fontœuvre, s’ils revenaient à ce Paris noir et pluvieux, au moment où commence là-bas la saison délicieuse, c’était justement pour s’installer, prendre leurs aises, avant que lui pût se mettre au travail en vue du Salon.

— Mais il vous restera à peine deux mois ! s’écria Jenny.

— Non, repartit Nicolas, quatorze, car je veux dire le Salon de l’année suivante.

Il parlait beaucoup, avec une simplicité de collégien qui veut remordre à la besogne après de longues vacances. Jeanne était devenue silencieuse, avec un sourire mystique, des yeux d’extase, semblable aux créatures des tableaux spiritualistes peint par son mari. Elle était en face de lui dans la voiture, elle l’écoutait, et à chaque instant le regardait ; elle regardait aussi Pierre Fontœuvre et Jenny, comme pour saisir sur leurs traits l’impression produite par son cher Nicolas. S’il se taisait, elle trouvait que son silence même ne ressemblait pas à celui des autres, à cause sans doute de la nature des pensées dont elle le savait peuplé. Et ce qui les eût rendus ridicules s’il s’était agi d’époux mal assortis, d’êtres ordinaires, chez lesquels cette béate complaisance eût été du