Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

essoufflée, haletante, et c’était alors des conciliabules interminables entre elle, Jenny, Nugues, Addeghem, et même parfois Nelly Darche qui, toujours prête à rendre service, faisait elle aussi sa tournée de midi à une heure, avant de commencer sa séance. Et l’on entendait toujours les mêmes phrases : « Huit pièces, l’électricité, ascenseur ; les chambres sur la rue. Un balcon au coin du boulevard ; un jour merveilleux ; atelier superbe. » Chacun se vantait d’avoir découvert le Pérou et pour faire valoir le sien, décriait les appartements visités par les autres.

Et pendant qu’on s’agitait ainsi à leur sujet, tranquilles dans le petit hôtel provincial qu’ils s’étaient choisi à Vaugirard, Jeanne et Nicolas ne sortaient de leur retraite que pour courir les musées qu’ils voulaient revoir ensemble. Ils eurent de longues séances au Louvre, restant des heures. dans la même galerie, devant le même tableau. Jeanne avait, en présence d’un chef-d’œuvre, des sensations plus complexes que Nicolas, et elle les traduisait d’une phrase concise, qui les faisait couler dans l’âme de son mari ; celui-ci en frissonnait parfois jusqu’aux os. Ils épuisaient la contemplation, s’excitaient à la vibration intense, et rentraient le soir brisés de fatigue. Ce fut ensuite au musée Gustave Moreau qu’ils passèrent leurs journées. Là, il n’y avait jamais personne. Alors, il leur semblait entrer dans les compositions géantes, passer sous les arceaux et les colonnes