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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/116

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des architectures féeriques, s’en aller au delà des murs, dans les pays immenses et chimériques où le grand peintre vivait en travaillant. Tout frémissants ils pénétrèrent ainsi dans le sombre atrium où Salomé danse nue, une tiare ornée de gemmes sur la tête, pendant que le chef de Jean-Baptiste, dégouttant de sang, s’évoque dans un nimbe ; ils visitèrent le paysage infernal où le douloureux Prométhée, Ecce Homo lamentable, est attaché à des rochers sauvages, et le bois légendaire où des dames de tapisserie se divertissent d’une licorne. Ils découvraient encore un Gustave Moreau spiritualiste épris de la symbolique chrétienne ; ils s’attardaient silencieusement devant le Juif-Errant, le Miracle des Roses, et leurs yeux se mouillèrent devant la Fleur mystique, ineffable apothéose de la Vierge. Et le monde de l’imagination s’accroissait en eux comme un continent dont ils n’auraient d’abord connu que le rivage.

Jeanne demandait parfois, en serrant le bras de Nicolas :

— Et l’appartement ?…

— Mais puisque les amis s’en occupent.

Un jour, en sortant du musée Gustave Moreau, ils eurent l’idée de grimper jusqu’à Montmartre pour revoir Blanche Arnaud et miss Spring dans leur misérable atelier de la rue d’Anvers. Ils les trouvèrent occupées à laver leurs brosses dans un bol d’essence. En reconnaissant le jeune ménage, les deux vieilles filles s’illuminèrent de joie, de