Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/17

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— Ah ! ma pauvre maman, s’écria Jenny Fontœuvre en se tournant vers madame Trousseline, ce n’est pas rose, la vie ! Tiens, veux-tu que je te dise ? Il me reste aujourd’hui un louis dans la maison ; et c’est pour les étrennes de la concierge qui jetterait mes lettres au feu si je ne lui faisais pas cette largesse. Je sais bien que Pierre touchera son mois de leçons à Neuilly vers le quatre ou le cinq. Mais c’est ce dîner d’aujourd’hui… Et le vin, Brigitte, où en sommes-nous, du vin ?

— Madame, il reste une demie de champagne depuis le réveillon. Quant aux bouteilles de bourgogne, ces jeunes filles ont toutes filé. Monsieur Nugues et monsieur Vaupalier s’en sont mêlés, l’autre jour.

— En vérité, Jenny, je ne te comprends pas, murmura tristement madame Trousseline ; vous êtes deux à travailler, et je vois que tu as des dettes partout, au point de ne pouvoir obtenir, chez tes fournisseurs, cinq jours de nouveau crédit !

Jenny Fontœuvre était devenue sérieuse, désolée même. Des larmes montèrent à ses yeux, ses jolis yeux rieurs, fendus en amande, sous les larges bandeaux plats de ses cheveux.

— Nous ne sommes pourtant pas des bohèmes, dit-elle en réprimant une grosse envie de pleurer. Regarde, je mets cette robe depuis un an, toujours la même. J’avais une femme de chambre, je l’ai renvoyée, et c’est cette pauvre Brigitte qui fait