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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/18

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tout dans la maison. Souvent nous buvons de l’eau, je t’assure. Seulement, la peinture ne se vend plus. Mes toiles s’entassent dans l’atelier. C’est très bien de travailler, mais quand c’est pour le roi de Prusse, ça n’enrichit pas.

— Dans ces conditions-là, mon enfant, on n’invite pas les grands hommes pour leur servir des poulets truffés et du champagne. On se donne. une loi et l’on vit selon ses ressources.

— Mais, comprends donc, maman : ce dîner, cette mise de fonds que je fais aujourd’hui, c’est un placement sûr, à intérêts énormes. Addeghem me fera connaître. Il ira criant partout : « Avez-vous vu les fleurs de la petite Fontœuvre des merveilles ! C’est interprété ! Il y a là un sens des valeurs !… » Je doublerai mes prix, on s’arrachera mes toiles, et Pierre aura de la vogue. Mon dîner d’aujourd’hui ? mais il me sera remboursé mille fois avant un an. Les succès, vois-tu, chez nous, sont en raison directe des réceptions.

— Ce n’est pas avec de tels principes, à base de désordre, que tu as été élevée, ma fille, dit la vieille dame qui s’éloigna en soupirant.

Restée seule avec Brigitte qui préparait les tasses pour le thé, Jenny Fontœuvre lui demanda :

— Ma petite Brigitte, vous seriez vraiment gentille de m’avancer cinquante francs. La bonne femme se redressa, essuya ses mains dans un torchon propre et fit semblant d’hésiter un moment, pour la forme. En réalité, un con-