Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/210

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déchirée. Elle pleura et sanglota plus de deux heures, dans sa chambre, en se tordant les mains, en suffoquant. Une grosse colère de petite fille montait du fond de son cœur contre Nicolas, et jamais elle ne l’avait tant aimé, pourtant ; alors, le sens des ruses féminines s’éveilla en elle tout d’un coup, et elle résolut de bouder quelques jours pour essayer son pouvoir.

Ce soir-là, Jenny Fontœuvre revint tout émue de la rue d’Anvers. En l’absence de miss Spring qui se trouvait en Angleterre, la pauvre Synovie faisait une terrible fièvre typhoïde. Et sans soins, sans secours, seule dans ce grand diable d’atelier où l’on étouffait, en cette saison, elle attendait les deux visites que sa concierge lui rendait en courant le matin et le soir. Jenny Fontœuvre en avait les larmes aux yeux. Son exaltation était extrême. Elle disait :

— Va-t-elle mourir ainsi ? va-t-on la laisser mourir ainsi, une telle artiste, une telle amie !

Et elle fit une proposition : elle et Marcelle auraient pu prendre alternativement la garde : la mère veillerait la malade la nuit, la fille la soignerait le jour. Mais Marcelle se récria. Manquer l’atelier en ce moment où il y avait un modèle unique, où justement Seldermeyer la trouvait en progrès ! Après tout, mademoiselle Arnaud ne lui était rien. C’était très fâcheux qu’elle fût malade, mais tout le monde ne naissait pas sœur de charité.