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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/211

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— Oh ! quel égoïsme ! disait la mère, tout attristée.

Jamais Marcelle n’avait donné beaucoup de marques d’altruisme, mais à cette heure elle se sentait, pour le genre humain tout entier, une indifférence tranquille et cruelle. On pouvait lui dépeindre toutes les souffrances, toutes les misères, rien ne bougeait en son cœur. Il n’y avait que la pensée de Nicolas qui pût l’émouvoir ; mais dans quel état de vibration, d’exaltation la mettait cette pensée incessante qui multipliait sa vie !

On ne put retenir madame Fontœuvre à la maison cette nuit-là. Dès le dîner, elle reprit le chemin de Montmartre.

Blanche Arnaud étaient couchée au fond de l’atelier, dans un petit lit de fer inconfortable, et la veilleuse qui brûlait près d’elle éclairait seule ce vaste hangar où, le long des murailles, des portraits surgissaient comme de pâles fantômes. L’odeur de fleur d’oranger dont l’abreuvait la concierge, flottait dans l’air, et l’on n’entendait que deux bruits dont les rythmes s’harmonisaient : le tic tac d’un gros réveil placé sur une chaise près du chevet, et le souffle de la malade. Un vasistas ouvert dans le vitrage laissait pénétrer un peu d’air tiède, et l’on voyait encore sur le chevalet une toile inachevée, un visage de femme où les yeux seuls, d’un bleu intense, vivaient, finis, parfaits, dans un ovale encore nuageux.