Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/225

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Elle s’arrêta net, pour dissimuler l’expression de haine qu’avait prise soudain son regard. Nicolas, tremblant, l’écoutait et l’admirait, dominé peu à peu par la femme toute-puissante qu’était cette prétendue petite fille.

— Tu seras la seule, mais promets-moi que tu vivras.

— Avec ton amour ! Ah ! si je vivrai, Nicolas ! Et elle le couvrait de baisers enfantins, mêlant son ignorance et sa passion dans son impudeur. Un bruit dans la maison la fit sursauter ; il la repoussa :

— Arrête… si c’était Jeanne, que ferions-nous ?

Puis aussitôt revenant à lui, et avec une amertume qui le crispait tout entier.

— Tu vois, tu vois où nous en sommes, se cacher ainsi, quelle abjection, quelle honte ! Va-t’en, laisse-moi, je n’ai pas le droit de t’aimer. C’est atroce de trahir Jeanne.

— Ta femme, reprit-elle toute frémissante, c’est moi.

Alors, il perdit la tête tout à fait. Marcelle n’était plus l’enfant inaccessible dont un homme délicat ne s’approche qu’avec respect, avec timidité, avec retenue ; l’enfant virginale gardée par la fraîcheur même de son âme ; c’était une force implacable de la nature, une puissance physique qui l’aspirait irrésistiblement, la bête fascinatrice dont il devenait la proie. Sa figure même était changée ; en une heure, sous l’orage physiolo-