Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/224

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Alors, il a reprit dans ses bras, saisi d’une inquiétude folle. Non, ce n’était pas vrai, n’est-ce pas ; elle ne se tuerait pas ? Mais, plus il la regardait, plus il comprenait que cette fille taciturne et volontaire pouvait accomplir tout ce qu’elle aurait décidé. Elle disait :

— Croyez-vous que j’aurais peur ? La mort, je m’en moque. Vivre sans votre amour ! ah ! non, non. Bien d’autres qui ne me valaient pas ont eu la minute de courage nécessaire, je l’aurai, allez Nicolas !

Et il vit que c’était sûr, qu’elle ferait comme elle aurait dit, qu’en le quittant, elle courrait à la Seine. Alors, des sentiments désordonnés le bouleversèrent une pitié violente, une admiration pour cette frêle enfant virile, et un désir de disputer à la mort ce corps mystérieux de vierge. Il la prit au poignet :

— Non, reste, je ne veux pas que tu meures ; je t’aimerai. J’aime Jeanne, je t’aimerai aussi. Ce se sera ignoble, mais tu vivras.

Elle redevint farouche :

— Je veux être aimée seule. Cousine Jeanne ne sait pas t’aimer ; je serai ton amante, ta seule amante. Tu ne peux pas comprendre ce que je suis ; personne ne m’a connue. J’ai plus de cent vies en moi. Mon aspect est un mensonge ; tu ne sais pas ce que je puis aimer. Tiens, je n’ai à te dire qu’une chose, mon amour est le frère de ton génie, il l’égale. Cousine Jeanne, je…