Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/227

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Enfin, ce qu’il attendait se fit entendre ; un bruit de pas légers dans l’escalier le retour de Jeanne.

Elle ouvrit la porte, elle entra les yeux rougis et gonflés. L’immobilité singulière de Nicolas, debout au milieu de l’atelier, elle l’attribua à une certaine anxiété qu’il aurait eue, la sachant en conversation avec le château de Cléden.

Mon pauvre Nicolas, fit-elle en retenant ses larmes, je m’en doutais, mon père est perdu. Nicolas hésita, puis se maîtrisant :

— Veux-tu que nous partions dès ce soir ?

Elle releva sa voilette et son admirable beauté apparut défaite par la douleur qu’elle endurait ; mais il y avait dans sa peine tant de douceur, tant de résignation et de tendresse, qu’ainsi, elle charmait encore davantage. Elle répéta :

— Que nous partions ? Mais, Nicolas, tu ne peux m’accompagner, j’irai seule.

— Comment ! je n’irai pas avec toi ?

Elle s’approcha de lui, et, brisée par le chagrin, elle eut cependant assez de force pour se redresser, pour reprendre son rôle d’inspiratrice, pour dire en l’enlaçant :

— Je sais que tu ne peux quitter ton œuvre à cette heure, mon Nicolas ; c’est l’instant le plus délicat, le plus difficile et aussi le plus décisif de ta crise d’artiste. Tu comprends, moi, je sens et je suis toutes les phases de ta création. Aujourd’hui, tu es à la veille de parfaire ta figure du