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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/304

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citait, il revenait au visage divin, cherchait pour les prunelles l’expression de l’infini, semblait donner à l’image qu’il créait toutes les forces purifiées de son âme victorieuse.

Ce jour-là, vers trois heures de l’après-midi, Jeanne entra brusquement pour lui dire que Blanche Arnaud et miss Spring étaient là, demandant à le voir.

— Descendras-tu ? Je les ai averties que tu travaillais et ne pourrais sans doute les recevoir.

Nicolas se recula de quelques pas pour envisager sa toile, sans paraître entendre. Puis, avec cette physionomie d’indifférence et de lassitude qui était devenue la sienne, il répondit à Jeanne :

— Tu peux les faire monter…

Jeanne, stupéfaite, dut le faire répéter. Comment ! à ces deux femmes si distantes de lui, auxquelles ne l’attachait nulle amitié particulière, il allait dévoiler le sanctuaire de son labeur, et les tourments de son enfantement artistique ? Elles verraient sa Multiplication des Pains à l’état d’ébauche, et son Christ encore informe ? Elles connaîtraient le secret de son travail ?…

— Oui, reprit Nicolas d’une voix fatiguée ; elles peuvent entrer. Tout m’est égal maintenant.

La douce Jeanne obéit, mais d’un cœur désolé, et comme si cette profanation, cette première intrusion de regards étrangers dans l’atelier mystérieux, consacrait la ruine même de l’Œuvre. Elle fut absente à peine quelques minutes. Bientôt