Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/346

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rappeler habilement à Nicolas ses engagements. La nécessité de travailler pour de l’argent et sous l’aiguillon du besoin, venait donc ajouter à ses angoissés. Qu’allait-il faire ? Et sur-le-champ il dut s’abaisser à écrire une lettre faite d’humilité et de formules obséquieuses, pour obtenir un délai.

Aux repas, il retrouvait Jeanne. Elle s’efforçait en sa présence à un stoïcisme impossible, essayant de ne laisser paraître d’autre disposition qu’une aménité souriante. Nicolas ne pouvait plus être pour elle l’idole adorée pendant huit années ; pourtant, un reste de culte conjugal, peut-être aussi la survivance d’un impérissable amour, lui inspiraient encore des prévenances et des soins pour celui qui la faisait tant souffrir. Mais, à tout moment, la douleur passait sur ses beaux traits, la défigurait. Nicolas fuyait son regard. Ils se parlaient à peine tout essai de conversation leur coûtait un travail, et ils se séparaient avec contentement. Nicolas remontait alors dans son atelier pour y chercher la solitude, pour échapper à Jeanne. Sur le chevalet, il voyait en entrant l’étude du Christ avec le visage encore informe où seuls les yeux avaient été parachevés. Ils étaient grands ouverts et terribles, empreints d’une sévérité sereine et tranquille. Jamais Houchemagne, dans aucune de ses figures, n’avait atteint cette intensité d’expression ; mais les autres traits, le nez, la bouche, étaient