Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/358

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d’un petit bleu. À peine chercha-t-il la pose. Toutes lui parurent bonnes. Le second jour, il commençait à peindre.

Jeanne, qui vint le soir à l’atelier où elle ne pénétrait plus que rarement depuis que la rechute de Nicolas avait brisé entre eux les derniers liens, s’écria :

— Que fais-tu ?

Et elle examinait avec stupeur cette banale bayadère. L’excessive facilité de Nicolas, ce qu’Addeghem avait appelé très proprement « la patte de Rubens », se jouait d’une étude si aisée. C’étaient toujours ces belles chairs saines et vivantes qui venaient comme à miracle sous son pinceau, et pour le visage, il était le parfait portrait du modèle. Mais, quelle insignifiance dans cette image d’une femme vulgaire ! Et Jeanne cherchait à déchiffrer l’énigme, à trouver l’idée secrète que rien ne révélait, à découvrir ici la mystérieuse inspiration qui animait toutes les autres toiles des murailles, et jusqu’au Christ inachevé, là-bas, au fond de l’immense pièce.

— Qu’est-ce que cela représente ? demanda-t-elle timidement.

— Ce que cela représente ? murmura Nicolas, les dents serrées, tu ne le devines pas ? Et bien ! cela représente mes besoins d’argent, mes besoins personnels.

Jeanne les yeux agrandis, le regardait, hésitant à comprendre.