Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/362

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vraie femme, et qu’elle échappait à elle-même pour être plus à Nicolas. Elle commençait à pressentir un amoindrissement de l’artiste, et, quand elle lui montrait ses travaux, les esquisses diverses qu’elle avait entreprises en vue de son tableau, s’il la complimentait, elle disait avec une humilité véritable :

— Que vaudront jamais les toiles sorties de mes mains en comparaison de celles que je t’ai empêché de faire !

— Ah ! qu’importe ! reprenait Nicolas, tout vibrant de bonheur, nous nous serons aimés !

Mais elle aussi connaissait maintenant une mystérieuse mélancolie qui lui arrachait des larmes quand elle était auprès de Nicolas, heureuse, fêlée, enveloppée d’une tendresse sans mesure. Elle pleurait sans savoir pourquoi, en regardant son amant ; elle pleurait en pensant qu’elle ne le posséderait jamais qu’à la dérobée, qu’elle ne donnerait jamais la paix à cette pauvre conscience bourrelée, et souvent tous deux s’étreignaient ainsi les mains à se les rompre, en savourant cet amour changé en douleur.

Lorsque Marcelle quittait l’atelier, Jeanne l’attendait en bas, au petit salon. Jeanne, des deux sœurs préférait de beaucoup Hélène si ouverte, si rieuse, et dont l’éducation lui rappelait la sienne. Mais elle choyait en Marcelle l’admiratrice de Nicolas, et elle se faisait montrer aussi les études de la jeune fille, heureuse quand elle y retrouvait