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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/47

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ment Addeghem qui, assis à la droite de Jenny Fontœuvre, devait se pencher pour s’adresser à Houchemagne, que dites-vous de ce potage ? Je ne parle pas des jouissances qu’il procure à notre palais, mais de celles de notre œil. Voyez donc les colorations délicieuses de ces fins légumes. Elles doivent être assurément trop tendres pour la farouche mademoiselle Darche, mais je suis sûr que ma vieille amie Angeloup se régale.

— Ma foi, dit Houchemagne en riant, je n’ai nullement la gourmandise artistique. Je me délecte, et c’est tout ; et les légumes n’ont jamais intéressé que mon appétit.

Nugues, et surtout Nelly Darche, levèrent sur l’homme qui parlait ainsi un regard de commisération. Quoi ! est-ce qu’un poireau princièrement habillé et, par exemple, les rapports qui naissent du voisinage des carottes et des petits pois, n’étaient point mille fois plus intéressants que les vagues mythologies de ce jeune homme ? Cependant, lorsque Houchemagne eut répondu à leurs regards par son tranquille sourire, ils n’insistèrent pas. Et la fine Jenny, qui sentait déjà très vivement l’antagonisme naître entre cet idéaliste et les autres, fit dévier la causerie.

— Ce potage est l’œuvre de ma pauvre Brigitte. Vous savez, mademoiselle Angeloup, ma cuisinière, celle qu’on appelait Rose, dans les ateliers, il y a trente ans, et qui vous a posé votre Hébé.

— Ah ! si je me souviens de Rose ! s’écria