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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/87

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— Je suis son esclave, son adoratrice, la chose de son œuvre. Toute ma vie, toute ma vie est à lui.

De tels mots, dits par une telle jeune fille, si digne, si fière, frappèrent étrangement Jenny Fontœuvre. Même, ce soir-là, elle ne put rien objecter, tant cet amour se présentait à elle comme une noble et fatale passion. Ce fut la nuit que, très agitée, elle aperçut les obstacles : la pauvreté d’Houchemagne, sa naissance, et un peu aussi sa marmoréenne attitude. Mais Jeanne de Cléden, qui avait tout quitté pour suivre l’entraînement, avait aussi tout prévu, tout envisagé. Ce n’était plus le fils des vignerons de la banlieue ; c’était un être d’exception qu’elle aimait, un prince, un demi-dieu. D’ailleurs, M. de Cléden, après avoir pris de discrets renseignements dans le pays natal du jeune peintre, consentait à tout. Et ce consentement du vieux noble breton était la première attestation donnée à la profondeur, à la souveraineté de l’amour de Jeanne. L’altération de la santé, chez la jeune fille, fournissait la seconde, car c’était en vérité une pauvre enfant malade qui revenait ainsi à son dominateur ; elle était extrêmement changée ; moins. belle, certes ; mais quelle flamme spirituelle, quel drame intérieur, se devinait en elle ! Comment ne se serait-on pas intéressé à cette jeune fille aimant si complètement et pour la première fois !