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princesses de science

sité : on regardait beaucoup cette jeune épousée qui, en pleine lune de miel, à cette heure où, dans le grand bouleversement de leur vie intérieure, incertaines et désorientées, les plus fières perdent toute quiétude et toute paix, venait tranquillement, laborieusement, reprendre sa tâche. Madame Lancelevée, au premier rang, la dévisageait. Il y avait aussi là Gilbertus qui, ne faisant ni consultation ni clientèle, suivait assez volontiers les cours d’hôpitaux « pour se conserver la main ». Irréprochablement vêtu, le faux col à la mode faisant valoir sa barbe de bel Assyrien, il cueillait sur les lèvres d’Herlinge les concises phrases scientifiques, ces mots pittoresques qui font fortune en médecine, ces mots qu’on imprime dans les traités de pathologie, et qu’il allait servir à ses lecteurs béats, dans son prochain article. Hâve et flétri, Morner l’accompagnait, venu sans raison, sans but, dans un moment d’ennui, à l’heure où les estaminets sont vides. Il écoutait d’une oreille distraite les subtiles dissertations du maître sur un cas d’insuffisance aortique : l’érudition n’avait rien à faire avec ses plaques électrisées. Puis, autour de ceux-ci, s’amassaient les redingotes d’autres médecins, jeunes ou vieux, médecins de province même, ayant fait le voyage de Paris pour entendre, une fois dans leur vie, le grand Herlinge. Et c’était encore les vestons des étudiants qui, venus des plus lointains hôpitaux de la ville, passaient tous, à tour de rôle, par cette clinique, avant leurs