Aller au contenu

Page:Yver - Princesses de Science.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
princesses de science

les jeunes hommes français, pour ces étudiants si différents de ses compatriotes, qui ne pouvaient guère voir une femme isolée et faible sans la convoiter. Sentimentale mais raisonneuse, comme ceux de sa race, elle n’entendait pas perdre, dans une mesquine aventure d’amour où se fut laissé entraîner une midinette, la paix qui jusqu’ici lui avait tenu lieu de bonheur. C’est pourquoi, bien que Pautel lui plût et la troublât, elle en avait peur et le méprisait comme un séducteur de jeunes filles pures.

Elle fut à onze heures dans sa petite mansarde du sixième, meublée pour étudiants, rue Cujas. Le plafond était incliné et se courbait vers la muraille tapissée d’un papier bleu. Le portrait de Tolstoï, découpé dans un journal, y était épingle à côté d’un crucifix et d’une chromo représentant la tsarine. Devant la lucarne, assez spacieuse, qu’elle avait encadrée — sans nulle intention macabre — de quelques humérus, tibias, maxillaires, temporaux et autres fragments de squelettes pendus à des clous par des ficelles rouges, s’étalait le désordre de sa table chargée de livres. Sans ôter son chapeau, elle s’assit à une table et crayonna tout de suite son résumé de la leçon d’Herlinge. Puis, dans le tiroir, elle prit un minuscule coffret de fer, dont la clef tintait toujours au fond de sa poche. Elle l’ouvrit. Il y restait deux pièces d’or, l’une de dix francs, l’autre de vingt. On était au 15. Ces deux pièces