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princesses de science

la vie amoureuse, épanouie au foyer, et l’autre, la vie intellectuelle, qu’elle menait magnifiquement dans l’atmosphère de l’hôpital. Lui retrancher une de ces existences, c’eût été faire d’elle la plus misérable des créatures. Fernand y travaillait cependant : il voulait tuer l’autre vie, celle de là-bas, avec ses jouissances, ses exercices d’énergie, ses ambitions. C’était une guerre cruelle, mais il ne se passait pas de jour qu’il ne la poursuivit par un mot, une attitude, ou une plainte comme celle qui venait de lui échapper. Et Thérèse frissonnait de peur, car, chaque fois, à ces désirs muets correspondait en elle un élan de générosité, un autre désir de sacrifice qu’une réflexion refrénait. Ne faiblirait-elle pas un jour, cependant ? Résisterait-elle jusqu’au bout malgré les pièges, les trahisons de son propre cœur ?…

Fernand fut guéri, le lendemain, de ce qui n’était qu’un accès de fièvre. Thérèse dut encore le quitter, à l’heure de la visite ; mais, deux heures plus tard, elle était de retour. Elle le retint au lit. Elle lui dit tendrement :

— Allons en Bretagne, veux-tu ? Partons tout de suite.

Il la regarda, surpris :

— Et ta thèse ?… et ta malade en observation ?… et tes massages du cœur ?…

— Mon chéri, s’écria-t-elle, comme emportée par une indignation secrète, toutes ces choses m’importent-elles à un moment où je vois ta santé