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princesses de science

Ses guérisons de laboratoire devaient être attribuées à une erreur préalable de diagnostic. Il n’avait jamais rien découvert.

— À quoi bon tant de fatigues ! murmura-t-il, découragé.

Et il se rappela ses longues séances dans les laboratoires de l’École, ses cultures, l’interminable travail du microscope, les inoculations, les observations, les atermoiements, les attentes, les angoisses, puis les pressentiments du succès, les violentes secousses de bonheur qu’il avait connues à la résorption du cancer chez ses animaux, cette lente approche du triomphe dont il aspirait déjà l’atmosphère, jusqu’à l’effondrement de tout dans cette mort de Jourdeaux. Paris lui-même, dont il avait rêvé la conquête, se retirait de lui ; l’âme de la ville désertait ce quartier paisible et silencieux comme un coin de province, où le bruit de ses pas éveillait des échos. Paris se reculait là-bas, sa vie courait le long des boulevards lumineux, ronflait les orchestres, étincelait avec les femmes de plaisir, palpitait dans les théâtres, s’affinait dans les salons, et une nuée rousse se tendait dans le ciel, comme un velum glorieux, au-dessus de cette fête immense dont un bruit sourd arrivait jusqu’ici.

Et Guéméné suivait humblement le trottoir du quai désert. Un dégoût infini l’abreuvait. Il se sentait inutile, incapable. Dans sa lutte de médecin contre le mal, une algue infime avait eu raison de lui ; il n’avait pas su la vaincre ; elle demeurait vic-