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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/252

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princesses de science

éclairées, le monument rappelait ces cartes postales illustrées, nacrées et transparentes, qui figurent les édifices d’Allemagne, la nuit. En face, la pointe de l’île Saint-Louis, avec ses hauts soutènements de maçonnerie, coupait l’eau, pareille à l’avancée d’une forteresse. Le feuillage touffu des peupliers d’Italie qu’elle porte voilait la façade des maisons. C’était une masse obscure, immobile dans la nuit sans brise.

Guéméné pensait au malheureux Jourdeaux dont il revenait de constater le décès. Il le revoyait sur son lit funèbre, réduit, desséché, ayant épuisé avant de mourir jusqu’aux moindres ressources vitales de son organisme. Alors le souvenir de ses recherches remontait à l’esprit du jeune homme. Voilà donc à quoi tant d’études, tant d’espoirs, tant d’orgueil aboutissaient ! Il s’était fait fort de guérir le malade, pourtant ; il en avait exprimé l’assurance devant Boussard, devant Thérèse, devant la pauvre jeune femme elle-même. Et tout à l’heure, dans la chambre mortuaire, appelé par elle, il avait comparu aussi impuissant que les autres médecins, humilié par la faillite de son remède, diminué, vaincu. Toute l’amertume de l’échec, il l’avait goûtée, quand les belles et douces prunelles de madame Jourdeaux s’étaient levées sur lui si tristement. Il s’était trompé ; le sérum antinéoplasique n’existait pas. Il avait eu beau l’annoncer vaniteusement, son traitement du cancer avortait comme les méthodes de ses devanciers.