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princesses de science

rement décisif, avec une loyauté, une sincérité absolues. La lutte durait depuis deux semaines. Ses nuits en étaient obsédées ; elle voyait en rêve des femmes couchées, agonisantes, qui la suppliaient de les guérir ; mais une force secrète la liait : elle ne pouvait faire un pas vers les malheureuses.

Fernand lui paraissait agir avec dureté en exigeant d’elle cette abdication. Mais elle le chérissait si profondément qu’elle envisagea de bonne foi le renoncement, dans la crainte de perdre son amour. Plus le temps avançait, moins elle savait que résoudre. Jamais son métier ne lui avait semblé plus beau. Elle soignait une jeune fille atteinte d’une scarlatine infectieuse, et voici que la malade arrivait à la convalescence après qu’on avait perdu tout espoir. Thérèse goûtait, comme une ivresse, le triomphe de cette guérison, la reconnaissance des parents, cette autorité qui la faisait comme une reine au chevet de cette autre femme, plus jeune, sauvée par elle de la mort. Partout on l’adulait, on l’aimait, on la glorifiait. Elle travaillait prodigieusement, parcourait toute la presse médicale, se refaisait une thérapeutique dans les livres nouveaux que Boussard venait de publier. La science s’élargissait toujours devant elle. Toujours curieuse, avide d’en savoir davantage, elle continuait de fréquenter les hôpitaux, passait sa matinée tantôt à la maternité de Beaujon, dans le service d’Artout, tantôt aux Enfants-Malades, tantôt chez Boussard, à la Charité. Elle apportait à l’exercice de sa