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princesses de science

filles naïves ou savantes raisonneuses. Vous avez dans le sang les mêmes dévouements, les mêmes instincts tendres, Thérèse ; la nature vous a faites femmes avant que vous ayez choisi d’être médecins !

— Ah ! comme vous avez bien pris de votre race bretonne l’insupportable respect de la routine, mon pauvre Guéméné ! Eh bien ! c’est entendu ; laissons les femmes au pot-au-feu ou à leur aiguille, et verrouillons solidement la porte, surtout, pour qu’elles gardent leur place au foyer. Mais, dites-moi, que faites-vous de l’innombrable armée des filles sans dot, bloquées dans ce foyer d’où vous ne leur permettez pas de sortir, et, où vous savez bien, pourtant, que les épouseurs n’iront point réclamer d’elles l’honneur de les entretenir ? Elles mourront de faim, tout bonnement, mon cher, grâce à vos belles théories.

— Ma théorie n’est pas cruelle aux femmes, Thérèse, elle n’est pas non plus entachée de sottise. J’applaudis de tout mon cœur à l’effort de ces vaillantes filles qui, pauvres, chétives, délaissées au milieu de difficultés inouïes, dans un travail incessant, luttent magnifiquement pour se faire, malgré leur faiblesse, une place au soleil, en dédaignant l’homme qui les a négligées. Ah ! nous en avons vu, vous et moi, à l’École, de ces étudiantes au canotier de feutre, à la jupe élimée et aux yeux ascétiques, dont les doigts maigres crayonnaient le cours, fébrilement. Plus près de nous, il y a cette petite externe russe : Dina Skaroff. Est-elle assez