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princesses de science

qu’elle, au détriment de l’ancien docteur. C’est ainsi que, rue de Grenelle, on lui confia le grand frère de sa jeune cliente, atteint de scarlatine à son tour ; boulevard Saint-Germain, elle soignait un tuberculeux de vingt-cinq ans ; dans un des hôtels de l’île, où elle avait pénétré comme accoucheuse simplement, on l’appela bientôt pour le jeune mari, un cardiaque, tant son mérite inspirait de confiance. Son air d’autorité était une des causes de son succès. Elle possédait l’inexplicable ascendant qui donne aux médecins leur puissance. Son sexe ne comptait plus. Les hommes eux-mêmes subissaient son prestige moral et croyaient en elle.

Mais Guéméné souffrait de voir se transformer ainsi la clientèle de Thérèse. Il ne l’eût voulu savoir occupée que de femmes et d’enfants. La foi en elle des malades masculins la flattait, au contraire : elle se vantait à son mari de chaque client nouveau. Sourdement et malgré lui, il frémissait alors d’un sentiment trouble. Quand elle lui revenait, le soir, un peu lasse, câline, réclamant les douceurs de la tendresse après celles de la domination, il pensait malgré lui à ces lits d’hommes sur lesquels, au hasard des visites, elle s’était penchée ; il voyait les auscultations, les percussions, les examens. C’était une sensation indéfinissable, mais il lui semblait que sa femme rapportait en elle un souvenir de ces intimités médicales, dans ses yeux, une vision persistante des nudités entrevues. Il avait l’obsession de ces contacts scientifiques et