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princesses de science

quand ils cheminaient côte à côte, on entendait sa petite voix flûtée à un kilomètre de distance dans l’air pur et calme ; Guéméné, patiemment, répondait à ses questions. Les passants prenaient le petit pour le fils du docteur, et le pauvre homme se redressait inconsciemment, dans l’illusion de cette paternité d’emprunt.

Thérèse trouva là un groupe de riches étudiantes russes qu’elle ne quittait guère, aimant son métier jusqu’en cette villégiature, le recherchant, le poursuivant lorsqu’il lui échappait, le ressaisissant en ses moindres représentants. Et ces dames faisaient bande à part, causaient de science, dévoraient la presse médicale, discutaient Boussard, admiraient Artout, dissertaient sur les cas de leurs hôpitaux, imaginaient des thèses. La doctoresse Guéméné, leur devancière à toutes, trônait parmi elles, donnait son avis, se faisait écouter, exultait dans la société de ses jeunes confrères. Pendant ce temps, Fernand promenait le petit Jourdeaux, errait au bord des lacs, lisait le journal sur la terrasse. Et madame Jourdeaux, qui brodait sans trêve sur un banc isolé, rejetant en l’air, d’un mouvement incessant, son aiguille avec son petit doigt levé, l’observait pourtant, attendrie et mélancolique ; elle le trouvait bien délaissé : quelquefois un soupir la redressait au-dessus de son ouvrage.

Un matin, les Guéméné reconnurent Boussard à la table d’hôte. Derrière une corbeille fleurie apparaissaient son buste maigre, sa tête marmo-