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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/298

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princesses de science

cantaloups, concombres, tomates, parfumaient et égayaient les tables. Une allée et venue de touristes animait le repas ; les uns partaient, d’autres arrivaient. À quelque distance de ses amis, madame Jourdeaux lissait rêveusement sa serviette. Il se faisait tard, et la salle était presque vide, quand une voyageuse entra, gracile et lente, en longue redingote noire, le visage à demi caché sous une épaisse voilette de chemin de fer. Thérèse tressaillit, reconnaissant bien cette sibylline apparence, et, se penchant vers son mari, prononça tout bas :

— Madame Lancelevée !

Depuis quelques mois, une légende incertaine régnait dans le milieu médical à propos de Boussard et de la célèbre doctoresse. Les uns les croyaient fiancés ; d’autres voyaient entre eux une sévère amitié amoureuse ; le plus grand nombre les disait amants. Cette bravoure de la jeune femme à se montrer partout où il professait, son engouement visible pour l’enseignement du maître, autorisaient mille commentaires. Cependant nul ne pouvait se vanter de les avoir surpris ensemble. À l’amphithéâtre, on ne les avait jamais vus échanger un mot après la leçon. Thérèse avait toujours défendu sa grande camarade :

— Ce qu’on dit est absurde. Jamais madame Lancelevée ne commettra ce qu’on appelle une faute. Il n’est pas de femme plus fière ni possédant plus de dignité, de force morale. Elle ignorera toujours les entraînements. Je répondrais d’elle